Coronavirus : une enseignante de Toulouse apporte les activités à faire aux élèves de son école qui vivent dans un squat

Iris, à droite, distribue des activités aux deux élèves de l'école maternelle où elle enseigne. Il vivent dans un squat toulousain. / © Guillaume Chemineau

Une fois par semaine, Iris publie sur une plateforme en ligne des activités pour ses élèves. 7 à 8 pages, sur un cahier numérique. C’est le quotidien de cette professeur des écoles stagiaire, depuis le début de l’école à la maison. “C’est surtout pour qu’ils n’oublient pas ce qui a été fait depuis le début de l’année et que la reprise ne soit pas trop difficile” précise-t-elle. Si certains parents sont très assidus et envoient même des vidéos et photos à cette maîtresse, il lui est impossible de savoir si tous les enfants suivent ses cours à distance. Iris remarque en revanche que deux parents ne se sont jamais connectés “ils n’ont pas accès au numérique” explique-t-elle.

Rapidement, l’école Patte d’Oie où elle travaille est contactée par Guillaume Chemineau, professeur relais école et précarités. Il cherche à joindre les enseignants pour leur proposer d’apporter leurs devoirs et activités à leurs élèves qui habitent dans les squats et bidonvilles de la ville. Iris accepte : “c’est plus parlant pour les enfants de voir leur maîtresse“. Elle raconte : 

Mon élève ne m’a pas reconnu avec le masque. Quand je l’ai baissé, elle a fait un grand sourire. Tous les enfants ont couru vers moi, ils étaient contents. Mais il a fallu qu’on leur dise de ne pas s’approcher, pour respecter les mesures barrières.

Celle qui n’avait jamais mis les pieds dans un squat, se rend maintenant compte des réalités de vie de son élève de moyenne section. Et de celles d’un autre enfant de l’école maternelle où elle travaille, à qui elle a également transmis les devoirs envoyés par sa maîtresse. Dans son petit tas de feuilles, Iris ajoute des coloriages.

Je ne suis pas entrée dans leur maison, mais déjà dehors, ça met dans le bain de leur vie. Ca permet de mieux comprendre l’enfant mais aussi de prendre les choses à coeur. C’est plus parlant, on se sent plus investie, détaille Iris.

Sa classe de moyenne section devrait reprendre le 25 mai. Iris a dû mal à envisager une reprise en faisant respecter aux enfants les gestes barrières. Les retrouvailles avec son élève n’ont duré que 15 minutes et déjà, l’envie d’enlever son masque l’envahissait. “Ca me semble impossible, mais on verra bien” conclut-elle.


Professeur relais école et précarités 

Quand nous avons sollicité Iris pour un article, elle a d’abord refusé, ne souhaitant pas parler d’elle et préférant mettre en avant Guillaume Chemineau. C’est ce professeur relais école et précarités qui lui a proposé de se rendre sur le lieu de vie précaire de l’une de ses élèves. Une démarche qu’il accomplit chaque jour, depuis 5 ans.

A Toulouse, ils sont trois au total à s’occuper de l’accompagnement scolaire des enfants en très grande précarité sur des zones d’habitats précaires ou illicites comme les squats, les bidonvilles ou encore le campements. Engagé comme professeur des écoles de l’enseignement catholique à l’école Saint Joseph La Salle, il s’occupe également de la médiation scolaire accompagnant les élèves les plus précaires dans les démarches administratives, d’inscription mais aussi en soutien scolaire “pour que ces enfants puissent avoir une place dans les écoles” rapporte-t-il.

Depuis le début de l’année scolaire, Guillaume Chemineau et ses deux collègues ont suivi 300 enfants, de la maternelle au lycée. En ce moment, ils sont 150 à recevoir leur aide. Depuis la crise du Coronavirus, les trois professeurs ont transformé leur mission au vue de l’urgence alimentaire :

Comme on connait très bien les familles, les endroits où elles vivent, on participe à la distribution alimentaire des associations. Cela nous permet aussi de pouvoir transmettre des documents scolaires. Si la continuité pédagogique est très compliquée à mettre en place pour les parents ordinaires, elle l’est encore plus pour ceux qui ne parlent pas français, n’ont pas de matériel ou dont les enfants sont en retard scolaire. On ne doit pas les abandonner.

Pour lui, transmettre physiquement les documents est un moment “très fort“. Encore plus si c’est l’enseignant lui-même qui les apportent. “C’est important de garder un lien direct avec les familles complètement en marge” remarque-t-il.

Guillaume Chemineau salue les initiatives des enseignants “ordinaires“, “qui ont développé des trésors d’invention pour rester en contact avec ces familles“. Ce vendredi 24 avril, les trois professeurs relais école précarités testent un dispositif expérimental : mettre en place une classe de 15 minutes avec tables, chaises et masques, dans un bidonville de Toulouse. L’idée étant d’aider les enfants à s’emparer des activités qu’ils doivent faire. 

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